Essai Alfa Romeo Stelvio (2022) – Le bourreau des cœurs

Opération séduction

Il me vient à rêver qu’Alfa Romeo avait renoué avec le succès, que les chiffres de vente n’étaient qu’un panier de boniments, une mascarade méticuleusement ficelée, une fake news habilement déguisée. Hélas, cueillir les rêves uns à uns ne suffisait pas à masquer l’amère vérité : Alfa Romeo est aujourd’hui malade. En attendant l’arrivée de l’antidote proscrit par Stellantis, ma curiosité m’a donc conduit à jouer les carabins avec le Stelvio. Auscultons de plus près ce tombeur patenté afin de déceler les symptômes ayant conduit à un pareil destin.

Si Dom Juan était un SUV…

Ciel lourd, brise frisquette et ballet de feuilles mortes. Il n’y a pas à dire, ça empeste l’automne – et je déteste ça – au parc presse de Fiat. Pourtant, dans l’éventualité la plus improbable, ce tableau d’arrière-saison sera évincé illico presto par un irrésistible parfum d’Italie. Oui, le voilà, c’est bien lui. Tout rouge, tout propre, tout beau, le Stelvio m’attend sagement. « Beau » ? Haha, pardonnez-moi, quel vulgaire euphémisme ! Alfa Romeo oblige, le Stelvio, c’est d’abord des formes harmonieuses, des lignes racées et des volumes qui fascinent. Le long capot sculpté, les élégantes jantes de 20 pouces et la poupe façon coupé forgent assurément un corps de rêve. Les étriers de frein jaunes, les bas de caisse spécifiques, les coques de rétroviseurs en carbone (plaqué, faut pas déconner) et les généreuses sorties d’échappement ajoutent à leur manière un soupçon de sportivité. Et que dire de ce ravissant Rouge Competizione tri-couches ! Sa profondeur, sa force, sa puissance… Mes yeux en crépitent et je pourrai m’y noyer ! Le Stelvio est un superbe morceau d’Italie et fait sans conteste partie des plus beaux SUV présents sur le marché. Je pourrais sincèrement m’en rincer les mirettes pendant des heures. Punaise, quel dessin.

« Tiens, un compteur de vitesse qui ressemble à un compteur de vitesse ! »

Quand on monte à bord du Stelvio, un phénomène étrange se produit : l’instrumentation est analogique, l’infodivertissement ne ressemble pas à un écran plat, la console centrale fourmille de molettes et le levier de vitesses ressemble à un…levier de vitesses. Ouaip, pas de mise en scène alambiquée ni d’effets spéciaux hollywoodiens à en frôler l’indigestion. Bonne nouvelle car les écrans aux menus trop complexes étaient et sont toujours synonymes dans mon cerveau d’une scène aussi traumatique que celle de la douche dans Psychose. Devoir paramétrer la voiture pendant dix minutes avant de lever les voiles est la deuxième chose la plus irritante qui soit, la première étant la crème du lait tombant fatalement dans mon mug [grrrrr]. Ici donc, pas de prise de tête, le Stelvio est un bon gueuleton côté prise en main et cela devient rare. Aussi, la qualité de finition est plutôt à l’avenant car la planche de bord est gainée de cuir, tout comme les sièges rajoutant à cela Alcantara noir et surpiqûres rouges. Ils sont à réglages électriques et chauffants mais ne proposent ni massage, ni ventilation. Lot de consolation : le petit logo Alfa Romeo brodé dans les appuie-tête. Classe. Le « cuore sportivo » cher à la marque est rappelé ici et là par des inserts en carbone présents sans excès tandis que les assemblages se montrent très convenables. L’espace offert aux passagers est bon à l’avant, un peu moins à l’arrière au niveau des jambes. Le ciel de toit noir et les petites vitres renforcent cette sensation de confinement – oh non par pitié, ne me parlez pas encore de ça ! – heureusement contrebalancée par le toit ouvrant panoramique. 525 l de coffre ? Honnête pour une auto de 4,69 m.

Commedia dell’arte

Le Stelvio est un italien pur-sang soigneusement assemblé à Milan, du coup, spoiler : on y trouve une succession de succulents mystères non élucidés. Les palettes au volant, par exemple, sont bien trop grandes et interfèrent avec les doigts lorsque l’on veut actionner les clignotants. Les commandes neutralisant les radars de stationnement et le Stop&Start ont un voyant blanc. Du coup, on ignore si ces équipements sont actifs ou inactifs. Pour le savoir, mieux vaut tester avec le Stop&Start et pas avec les bipbip vous aidant à vous garer, conseil d’ami. Outre le conducteur, le passager avant peut aussi verrouiller de son côté les portes du véhicule. Ah oui, et il arrive que le frein à main ne se désactive pas automatiquement. J’en suis positivement sûr : les Italiens affectionnent les surprises. A côté de cela, les Allemands cherchent l’efficacité et c’est ce qui fait vendre. Les ingénieurs italiens devraient en prendre. De la graine, hein, parce que de la bonne, c’est déjà visiblement le cas, vu que certains ont l’air plus perchés qu’un chamois sur la pointe des sabots au sommet des Alpes. Mais moi j’aime ça, ce petit grain de folie que les autres n’ont pas, bref. Pour en revenir à notre sujet, l’infodivertissement est correct mais ses fonctionnalités sont limitées. La réactivité et les graphismes de son interface sont à revoir sur un véhicule de ce standing. Son ergonomie est heureusement simplifiée grâce au choix offert entre tactile et molette. La sonorisation ? C’est du Harman Kardon, donc c’est du bon. Pas de quoi défricher vos tympans mais c’est déjà bien croustillant. Et au volant, c’est encore mieux car le Stelvio se montre héroïque. Avanti!

« Mais c’est qu’il est agile ce Stelvio ! »

Top 4 des a priori sur les Alfa Romeo dans ma cervelle : primo, une Alfa est belle. Secundo, une Alfa est old-school. Tertio, une Alfa est sportive. Quarto, une Alfa est inconfortable. Si les trois premiers points s’appliquent rigoureusement au Stelvio, le quatrième n’est qu’un infect raccourci intellectuel. Le SUV italien avoue en effet une souplesse insoupçonnée sur route. Sur les grosses irrégularités, lorsque les amortisseurs sont en mode « Soft », les butées arrivent même rapidement en fin de course, ce qui engendre d’indésirables effets de rebondissement surtout à l’arrière. Mais globalement, le Stelvio est une voiture confortable, chose qui m’a réellement étonnée. C’est d’autant plus choquant que la tenue de route s’avère très bonne et la précision de la direction vraiment remarquable. La différence entre le mode de conduite d [qui signifie sport, logique] et le mode a [qui signifie éco, logique bis] est d’ailleurs manifeste. Si la voiture est complètement apathique en a, elle se révèle en revanche redoutable de réactivité en d. Le 2.2D 210 autorise en effet de bonnes reprises et la boîte à 8 rapports exploite bien les 470 Nm de couple. La transmission intégrale Q4 rassure également sur sol gras. La consommation globale ne prête pas à la critique avec 5,6l/100 km sur un parcours de 2 000 km. La filtration des bruits d’air et de roulement est également convenable grâce au vitrage feuilleté. A l’inverse, la sonorité du moteur diesel se montre bien envahissante à froid et ne correspond pas à ce que l’on est en droit d’attendre d’une voiture haut de gamme.

Des tarifs assurément premium

L’Alfa Romeo 2.2D 210 Q4 Veloce Ti réclame une mise de départ de 67 300 €. Avec ses quelques options, notre modèle d’essai pousse le tarif final à 70 650 €, une facture plutôt salée qui s’accompagne d’un équipement convenable : projecteurs bi-xénon, sièges et volant chauffants, sellerie cuir/Alcantara, conduite semi-autonome de niveau 2, caméra de recul, toit panoramique ouvrant, hayon motorisé, surveillance des angles morts, etc. Le BMW X3 xDrive20d M Sport (64 100 €, 190 ch) propose une qualité de finition supérieure à un prix inférieur. Le Jaguar F-Pace R-Dynamic SE (72 740 €, 204 ch) met en avant un équipement plus riche. Enfin, le Mercedes GLC 220d 4Matic AMG Line (65 500 €, 220 ch) sera sans conteste le concurrent le plus redoutable avec des technologies infiniment plus modernes à un tarif là encore plus doux. Fort heureusement, le Stelvio a été très récemment restylé. Il misera sur un regard inédit avec ses feux Matrix LED et un habitacle plus actuel doté de l’instrumentation numérique reprise du Tonale. Pas certain que cela aide à inverser la vapeur face à des concurrents mettant les bouchées doubles pour capter des clients toujours plus exigeants. Vivement donc une nouvelle génération sous l’ère Stellantis.

Bella ciao!

On aime

  • Style ravageur
  • Châssis vif
  • Consommation contenue

On regrette

  • Sonorité moteur grossière
  • Contenu technologique en retrait
  • Prix assez élevés

Verdict : 14,3/20 – Bien

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